Les graphismes délicats des paysages à l’eau-forte et à la pointe sèche de Livio Ceschin sont envoûtants… non pas pour traduire la qualité documentaire, voire le réalisme d’un lieu – des vues de sa Vénétie natale entre autres – mais pour la charge émotionnelle révélée par des détails tels que des inscriptions, des fragments de textes…
Donnons la parole à l’artiste : « Ma manière (style) de fusionner des plans bidimensionnels, représentés par des fragments de lettres, des cartes géographiques et des graffitis gravés sur de vieux murs avec des plans tridimensionnels, représentés par des sujets, exprime la présence de l’homme dans la nature (la figure humaine est rarement présente dans mes œuvres) et l’amour pour l’écriture et la poésie… »
Dans d’autres gravures les inscriptions créent un espace mental qui se superpose au sujet de la vue – arbre, fenêtre, façade, maison, lagune, paysage – et le bord échancré de certaines plaques de cuivre évoque un vieux parchemin : la verticalité de « Dalla finestra di Luciana » renforce cette suggestion et nous rappelle qu’il s’agit avant tout d’une création imprimée sur papier.
La gravure comme témoignage d’un instant passé, portant un message parfois indéchiffrable donc secret, éveille un sentiment de nostalgie et va dans certaines oeuvres jusqu’à transfigurer le paysage qui semble n’être plus qu’un prétexte, entre souvenir et réalité, dans l’esprit des « Souvenir de… (Mortefontaine) » de Corot. Le blanc des paysages enneigés, paysages éphémères, renforce cette impression, comme dans « Nella silente fredda valle », « Ai margini del dirupo »… Un autre espace mental suggestif de nostalgie se révèle dans l’image vue à travers une vitre brisée, par exemple dans « Fra gli alberi » ou « Lungo il viale ».
Redonnons la parole à l’artiste : « Après les premières gravures sur zinc copiant les œuvres graphiques des maîtres de la gravure comme Rembrandt, Tiepolo et Canaletto (un excellent moyen pour apprendre et connaître en profondeur les méthodes techniques, la sensation atmosphérique et l’utilisation de la lumière), je me suis consacré au thème du paysage à l’eau-forte et à la pointe sèche, en accordant une grande attention à l’évolution des choses et du paysage au fil du temps.«